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Témoignage client

Planète OUI, l'efficacité de la sauvegarde accélérée

Ce récit est celui de la sauvegarde d'un groupe dédié à la fourniture d'énergie verte au plus grand nombre, particuliers et entreprises (telle la Tour Eiffel). Planète OUI a pu bénéficier de la première application de l’ordonnance du 15 septembre 2021, et grâce à un plan de sauvegarde accélérée, convaincre ses créanciers, maintenir l'emploi et préserver son avenir.

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Albert Cordinach

Président et créateur du groupe Planète Oui

Sur la Planète OUI, fournisseur d’électricité classé premier ex-aequo des fournisseurs d'électricité “Vraiment verts” dans l'édition 2019 du Guide de l'électricité verte publié par Greenpeace,  se trouvaient deux pays : BCM Energy, société fondée par Albert Codinach en 2015, et OUI Energy, société reprise par lui en 2017, et qui bénéficiait depuis d’une très bonne visibilité auprès des consommateurs français, grâce aux médias qui vantaient la qualité de sa relation client, sa crédibilité et ses offres d'énergie 100% vertes. 


Son activité grossissait de près de 5% par mois, et le début de l’année 2020 s’annonçait sous les meilleurs auspices. Mais c’était sans compter sur la crise de la Covid. En mars, la France se confine, et la consommation d’électricité baisse fortement. Selon le Réseau de Transport d’Electricité (RTE), la consommation d’électricité a en effet été, la semaine du 11 mai 2020, en moyenne 9% inférieure à celle habituellement constatée à cette période de l’année dans le pays. 


A l’inverse, le taux de factures impayées augmente, de 3% à 18% entre mars et août pour OUI Energy. Tout comme les charges de la société, qui avait procédé à de nouvelles embauches en janvier pour assurer le service auprès de ses nouveaux clients. Sa croissance se retourne contre elle. Faisant peser sur l’exploitation une augmentation conséquente de la masse salariale et des dépenses associées, cette croissance la rend en effet particulièrement sensible à des conjonctures aussi compliquées qu’une pandémie mondiale. Ou qu’une hausse brutale des prix de l’électricité... 


Un cocktail au goût amer 


Entre septembre 2020 et septembre 2021, le prix de l’électricité passe de 20 euros le KWh à 80 euros, pour finir à près de 600 euros à la fin de l’année 2021. Une flambée qui s’explique par quatre facteurs, dont la combinaison était hautement improbable. Il y d’abord la demande d’énergie causée par la reprise post-politiques de confinement, qui a poussé le système mondial de production à ses limites. Puis les tensions géopolitiques et la guerre en Ukraine, les exportations de gaz russe vers l’Europe restant plates et l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) décidant de ne pas relever leurs quotas de production. Il y a aussi la réduction de l’offre électrique disponible en continu avec la fermeture de centrales nucléaires en France, en Allemagne et aux États-Unis. Et enfin, l’explosion du prix du CO2. 


Un cocktail au goût amer pour BCM Energy et OUI Energy, qui voient leurs pertes augmenter dès septembre 2021. Le groupe ne disposant pas de la couverture en énergie nécessaire pour faire face à la demande de ses clients, il doit l’acheter sur le marché à des “prix stratosphériques” sans pour autant pouvoir augmenter son prix de vente. Cela crée une dette insupportable pour le flux normal de son activité. Albert Codinach se tourne alors vers l’avocat international spécialisé dans le droit de l’Insolvabilité, Yves Brulard, qui recommande le recours à une toute nouvelle procédure, la sauvegarde accélérée, qui vient tout juste d’entrer en application en France, et transpose une directive européenne de 2019.

L'avocat préconise également le recours aux compétences plurielles de O3 Partners, animée par Isabelle Didier, directrice générale et administratrice judiciaire. 


“C’était un dossier complexe”, explique Yves Brulard. “Je savais qu’il y aurait beaucoup de travail et que je pouvais compter sur elle et son équipe pluridisciplinaire pour être à la hauteur d’un tel dossier.” “Les collaborateurs ont toujours été aussi pertinents sur les aspects comptables et financiers que sur les aspects juridiques”, confirme Albert Codinach. “C’est ce qui a fait la différence”, estime-t-il. 


Des équipes mobilisées et préservées


Comme le constate Isabelle Didier dès sa prise en charge du dossier, BCM Energy et OUI Energy ont des atouts, des valeurs et des opportunités à saisir mais un passif considérable,  constitué en seulement quelques mois. Les deux sociétés font face à une crise qui les dépasse et qu’elles ne maîtrisent pas. Seule une restructuration soutenue par les créanciers peut les sauver. Il faut absolument convaincre ces partenaires de l’entreprise.

“C’est notre rôle et nous allons nous y employer avec toute l’énergie nécessaire mais surtout grâce à un important travail juridique et comptable pour expliquer et justifier les efforts et l’accompagnement demandés aux créanciers“, explique-t-elle à Albert Codinach.Ce dernier décide de faire confiance aux associés d’O3 Partners, et continue malgré la tempête à diriger son bateau qui tangue et à rassurer ses collaborateurs. 


La reconnaissance par l’Etat, prenant la forme d’un amendement à la loi de finances pour 2022, de l’existence d’une crise structurelle majeure, le conduit à consentir aux négociants en électricité un prêt au remboursement conditionnel, couvrant les pertes attendues. “Les nouvelles dispositions légales permettent réellement d’aider à la restructuration d’une activité profitable mais dont le développement a été empêché par un événement extérieur.” C’est le constat que font ensemble le conseil historique de l’entreprise, Jérôme Lépée du cabinet Adaltys, Yves Brulard et Isabelle Didier. Et c’est ce constat qui les conduit à poursuivre, malgré tous les obstacles qui seront mis sur le chemin des entreprises, l’élaboration d’un plan acceptable par les créanciers.


Le positionnement de BCM Energy et OUI Energy sur le marché de l’énergie, en particulier celui de l’énergie verte, est reconnu, pertinent et prometteur. Leur approvisionnement en énergie verte comme leurs partenariats avec des producteurs progressent de manière significative. Le groupe dispose d’un système d’information très performant. La restructuration et le gel des dettes par la procédure apportent la trésorerie nécessaire pour éviter la cessation des paiements. Et surtout, les équipes sont mobilisées et engagées pour assurer la croissance.  


“Elles croient profondément au bien-fondé de leur travail et à l’importance de produire une énergie verte”, explique Albert Codinach. Lui-même y a consacré toute sa carrière. Camille Darde, directrice des ressources humaines, se félicite quant à elle du choix de la transparence : “Alors certes cela génère de l’anxiété, mais cela permet surtout aux salariés de rester soudés et solidaires et de garder confiance. J’ai beaucoup apprécié le fait qu’Isabelle Didier se soucie de leur avenir au moins autant que nous.”


Le plan 


In fine, le groupe a néanmoins dû licencier 20 personnes. “Le plus dur”, pour Albert Codinach et Camille Darde. Mais ces personnes ont toutes bénéficié d’un suivi personnalisé de l’entreprise comprenant des projets de formation et de reconversion pendant 12 mois. Et aujourd’hui, plusieurs d’entre elles se sont reconverties avec succès, “dans des domaines aussi divers que l’œnologie, la permaculture et l’hypnothérapie”, précise Camille Darde. Tous les autres postes ont pu être sauvés grâce au plan de sauvegarde de BCM Energy conçu par Yves Brulard et Isabelle Didier sur la base des travaux comptables réalisés par les experts associés d’O3 Partners, Jean-Michel Matt, Marc Chernet et Daniel Chriqui.


La construction d’un modèle économique crédible dans un environnement aussi bouleversé était extrêmement complexe. La revue indépendante des prévisionnels d’exploitation a ainsi dû être revue près de dix fois pour tenir compte de l’ensemble des bouleversements géopolitiques de la période. Ce document (ou IBR, pour Independent Business Review) était absolument nécessaire pour pouvoir engager les discussions avec les créanciers.


En l’espèce, les modalités du plan ont été longuement discutées. Comme le souligne Isabelle Didier, “toute l’inventivité de Yves Brulard a été mise à contribution et les propositions de fiducie envisagées puis rejetées par les créanciers parapublics en raison de leur statut particulier”. Ces différences de traitement entre les créanciers avaient heureusement été anticipées. Marc Chernet, expert en systèmes d’information, a développé un outil informatique dédié à l’identification des typologies de créanciers et à l’analyse de leur meilleur intérêt. Ont ainsi été créées des classes non de créanciers mais de “parties affectées”. 


En effet, dans l’ordonnance du 15 septembre 2021, les créanciers ne sont pas forcément tous affectés. Seuls ceux qui le sont entrent dans une classe qui doit réunir tous les créanciers ayant un intérêt économique commun suffisant. Mais en pratique, et vu le nombre des créanciers, et l’évolution rapide de leurs encours, l’exercice s’est révélé plus compliqué qu’anticipé : “Il est certain que si nous n’avions pas disposé de l’outil développé pour nous et le groupe OUI par Marc Chernet, nous aurions eu des difficultés à traiter cet aspect du dossier dans le calendrier court imposé par la loi.”

Le plan prévoit des traitements différents pour chaque classe des créanciers. La principale, celle des administrations fiscales et sociales, a accepté un traitement différencié avec un étalement de la dette sur dix ans. Les fournisseurs ont voté favorablement un remboursement à hauteur de 50% avec un retour à meilleur fortune à l’issue du plan. Mais tous les créanciers ont admis que soient exclus du plan les fournisseurs, producteurs d’énergie verte, qui étant réglés normalement ont pu continuer à livrer BCM et donc à lui permettre de servir ses clients.


Comme le souligne Isabelle Didier, “être les premiers à mettre en œuvre un nouveau  texte de loi aussi innovant, nous a contraints à beaucoup réfléchir pour anticiper les réactions de nos interlocuteurs et donc faire œuvre de beaucoup de pédagogie” :  “L’ environnement à la fois brûlant et extrêmement mouvant aidait peu ! Heureusement, dans la mesure où ce nouveau texte reprend des concepts anglo-saxons, Yves Brulard que nous avions déjà assisté dans la restructuration qu’il avait menée du groupe international Le Pain Quotidien a été une banque de données inestimable et un excellent stratège.J’ai aussi pu mesurer à quel point la transformation fin 2020, de mon cabinet d’administrateur judiciaire en une société pluriprofessionnelle d’exercice accueillant des experts-comptables aux compétences reconnues répondait à un vrai besoin et était time to the market ! Yves Brulard et moi-même, juristes, aurions été dans l’incapacité de convaincre les créanciers sans la documentation et les travaux produits par mes associés experts-comptables.”


“Ce plan nous a permis un retour à un business model qui fonctionne bien, traiter le passif de la période difficile et repartir sur de bonnes bases”, souligne Albert Codinach, qui ne décolère pourtant pas contre les créanciers de OUI Energy, “des organismes para-étatiques” qui ont selon lui “préféré s'asseoir sur leur argent plutôt que de sauver un concurrent”. Cette société a donc été cédée à Mint Energy en février 2022. “L’idéal n’est jamais absolu”, philosophe Yves Brulard. En tout cas, pour Albert Codinach, le principal, son projet et sa vision mais également son équipe, est sauf. 


“On n’a jamais vu en procédure collective, une entreprise passer, sur la durée de 4 mois de la période d’observation, de 60 à 100 salariés. C’est pourtant l’engagement qu’a pris la société BCM pour éviter aux salariés de OUI Energy, condamnés au licenciement par les votes négatifs des grands concurrents du petit groupe alternatif.”


David contre Goliath ? Cette  loi nouvelle a effectivement doté cette jeune et ambitieuse  société de moyens de faire face à cette crise sans précédent et à l’intention clairement affichée par voie de presse, des acteurs du monopole historique de l’énergie de voir disparaître les acteurs alternatifs.


“Pour que cette procédure puisse fonctionner”, estime Isabelle Didier, “iI faut pouvoir recueillir l’aide et le soutien de l’institution judiciaire et des organes de la procédure. En l’espèce, il faut louer la réactivité et l’écoute de la juridiction consulaire lyonnaise.Et tout d'abord le président, qui, le premier, a reçu Albert Codinach et ses conseils, s’est longuement entretenu avec lui pour lever ses doutes sur les perspectives du groupe, avant d’ouvrir la conciliation, phase préalable à la sauvegarde accélérée. Puis le juge commissaire, qui de même a consacré tout le temps nécessaire à sa compréhension, n’a pas hésité à challenger les positions et options retenues et enfin les différentes chambres qui ont eu à prendre des décisions tout à fait  innovantes sans aucun précédent autre que les décisions rendues par des juges américains. Mais l’intérêt de l’entreprise et le maintien de l’emploi, valeurs cardinales du système de droit français ont guidé les décisions des juridictions.”


“Pour convaincre le tribunal et le ministère public”, poursuit-elle, “il faut évidemment le travail préparatoire, le pouvoir de conviction des conseils de l’entreprise et la détermination de son dirigeant et de ses collaborateurs ainsi que le vote favorable des créanciers mais aussi il faut avoir réussi à faire adhérer au projet d’entreprise et au plan les organes de procédure. Compte tenu du dérèglement du marché que subissait le groupe comme tant d’autres entreprises et de l’augmentation folle des dettes en quelques semaines ; la confiance amis du temps à s’établir. Mais Ludivine Sapin, qui avait été désignée conciliatrice et a donc accompagné le groupe, a rapidement compris l’engagement total du dirigeant soutenu par ses équipes à se battre pour sauver ces entreprises frappées par un contexte mondial sur lequel il n’avait aucune maîtrise. Elle a su faire écho aux propositions des sociétés, valider l’accord des créanciers réunis en classe et interrogés par ses soins sur les propositions formulées par BCM et enfin soutenir le plan présenté par BCM. Elle a fait état parallèlement du refus de certains créanciers de OUI alors même que les créanciers publics avaient également voté en faveur du plan et a organisé la vente du fonds de commerce de OUI Energy dans un délai très court pour limiter le risque de défaut de maintien de l’approvisionnement aux clients finaux. Sa parfaite compréhension des enjeux du dossier a évidemment facilité la collaboration avec les autres organes de procédure que le tribunal a désignés.”


Pas évident pour Albert Codinach de comprendre le rôle de chacun : deux administrateurs judiciaires désignés, eux-mêmes assistés d’associés et de collaborateurs, et deux mandataires judiciaires, également accompagnés. Les réunions informelles regroupaient  souvent douze organes de procédure. “C’est assez impressionnant. Heureusement Isabelle Didier parle le même langage et m’a décrypté ce que je devais comprendre. J’ai été un peu bousculé mais quand tout le monde a compris ma détermination, globalement la collaboration entre tous a été bonne  et j’ai remercié avec sincérité le tribunal et tous ces acteurs pour leur aide. C’est une phase de ma vie extrêmement violente où j’ai peu dormi et beaucoup appris… Il nous reste à démontrer à chacun, tribunal, mandataires et créanciers, clients et partenaires qu’ils ont eu raison de nous faire confiance.”




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